Déchéance de marque : des supports publicitaires ne sont pas des produits d’imprimerie permettant de démontrer l’usage sérieux de la marque

Lorsqu’un acteur économique connu vient former opposition au dépôt d’une marque par un tiers, il est important de bien vérifier si sa position est justifiée. Car la notoriété ne suffit pas au bien-fondé. Ainsi en est-il dans cette affaire où un éditeur de journaux périodiques a souhaité déposer le signe PLANETE OISEAUX pour une revue mais  a dû se heurter à l’obstacle d’une opposition formée par la société PLANETE CABLE qui avait déposé le signe PLANETE pour de très nombreux signes, dont les périodiques et produits d’imprimerie. 

En réalité, si tout le monde connaît la chaîne de télévision PLANETE, il s’avère que de nombreux produits figurant au dépôt de la marque ne semblent pas exploités L’INPI s’apprêtant à faire droit à cette opposition, la seule possibilité pour l’éditeur souhaitant exploiter sa revue sous ce titre était d’agir en déchéance de la marque pour les produits non exploités par le titulaire de la marque PLANETE.

Après une discussion sur l’intérêt à agir du demandeur, qui a été reconnu uniquement pour les produits et services le concernant, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE s’est prononcé sur l’usage sérieux de la marque, conformément à l’article L714-5 du code de propriété intellectuelle.

Il a alors considéré que: « les pièces produites, dont aucune n’est un périodique, et qui sont soit les supports promotionnels  de la chaîne (affiches, autocollants), soit des supports d’identification de la chaîne ou de son personnel non seulement auprès de son public mais de ses partenaires commerciaux (cartes de visites, papier à en-tête), ont, par nature, nécessité la mise en oeuvre de techniques d’imprimerie ; elles ne sont pas, pour autant, utilisées comme des « produits d’imprimerie » , ni destinées à être commercialisées sur un quelconque marché mais seulement diffusées à titre d’accessoires du service de chaîne de télévision.

Eu égard en outre à la réputation de la chaîne auprès du public précisément revendiquée, il ne peut sérieusement être envisagé que celui-ci associe le logo de la chaîne – au surplus, non
strictement identique à la marque verbale – qui y est apposé à des produits d’imprimerie ou encore de papeterie.

Ainsi, il ne suffit pas pour la société Planète Câble de se prévaloir de l’ensemble des techniques auxquelles elle est amenée à recourir en tant que titulaire des droits sur la marque pour exécuter
ses prestations pour en démontrer l’usage sérieux requis, et ainsi étendre indéfiniment le champs des produits et service couverts par son monopole. »

Le tribunal prononce donc la déchéance de la marque pour l’ensemble des produits et services pour lesquels l’intérêt à agir de l’éditeur a été reconnu.

On ne peut que se féliciter d’une telle décision qui vient opportunément rappeler les limites des droits attachés à une marque qui ne peut servir, même si elle est connue, à étendre sans cesse un monopole sur des produits pour lesquels la marque n’est pas utilisée. Il en va du respect même du principe de spécialité de la marque.

On regrettera toutefois que le tribunal n’ait pas considéré que l’éditeur disposait d’un intérêt à agir pour une action en déchéance à l’égard de tous les produits non exploités par la marque PLANETE : à partir du moment où il souhaite déposer le signe mais attend que celui-ci soit rendu disponible par le biais de son action en déchéance, il ne devrait pas être limité par une analyse a-priori et donc hypothétique de son intérêt à l’égard de certains produits. Par la suite, son intérêt pourrait en effet être élargi à d’autres produits : lui faudrait-il alors recommencer une action en déchéance? Avec une telle limitation, cela serait en effet un passage obligatoire. Par ailleurs, toute personne ou société n’a pas forcément l’audace ni les moyens de s’attaquer à un acteur économique bien plus important qu’elle alors que pourtant, ce dernier prive les autres du signe qui reste indûment confisqué pour des produits qu’il n’exploite pas. Les cas ne sont pas rares : lors d’un dépôt de marque, beaucoup pensent qu’il est préférable d’élargir au maximum les produits et services pour lesquels le signe est déposé alors que moins de la moitié sera effectivement exploitée. Si les juges ne profitent pas de l’opportunité donnée par une action en déchéance pour vérifier l’usage sérieux de la marque de tous les produits visés par le demandeur à l’action, cela permet aux propriétaires de marques non exploitées pour certains produits de continuer à priver indûment les autres acteurs d’un signe sur lequel ils ne devraient pas voir le monopole.

TGI Nanterre, 1è civ., 6 décembre 2018, 16/08075, PLANETE CABLE c/ Mr C. (ayant pour avocat Me LE GOUVELLO)

Voir aussi dépôt de marque : travailler son libellé, un pas de plus vers la tranquillité

 

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